Michael Rasmussen rattrapé par les soupçons

Publié le par Julien HOLTZ


Pas facile de porter un maillot jaune lorsque le cyclisme a décidé de laver plus blanc : Michael Rasmussen l'a appris à ses dépens, dans la soirée de jeudi 19 juillet. Le président de la fédération danoise (DCU), Jesper Worre, a annoncé la suspension du leader du Tour de France de toute sélection nationale en raison de la légèreté avec laquelle il gère son agenda.


L'interview de Rasmussen à l'arrivée de la 12ème étape du Tour de France.

Le grimpeur danois a omis d'informer les autorités compétentes de son programme d'entraînement, échappant à un ou plusieurs contrôles inopinés, ce qui prête le flanc aux soupçons. "Nous ne disons pas que Michael [a été testé] positif. Mais il y a de nombreux points d'interrogation sur son comportement et son attitude, a affirmé M. Worre. Nous avons eu des informations, à la fois de l'Union cycliste internationale [UCI] et de l'agence danoise antidopage, selon lesquelles il a écopé de nombreux avertissements." Le coureur déclare, sur le site Internet du quotidien danois Politiken, qu'il a "tenté de fournir des explications à la DCU. Mais ils ne les ont pas acceptées". "J'en prends acte, a-t-il ajouté. Mais ce n'est pas quelque chose qui doit gêner la suite de ma participation au Tour."

Contacté par Le Monde, le président de l'agence danoise antidopage, Finn Mikkelsen affirme : "Nous ne pouvons pas dire combien de contrôles concernant Michael Rasmussen ont posé problème. A ce stade de la procédure, nous ne pouvons pas faire de commentaires. Seules la fédération danoise et l'UCI ont le pouvoir de prendre des sanctions." La direction du Tour de France est sur la même ligne. "Nous ne pouvons rien faire. Le règlement prévoit de sanctionner les coureurs coupables de s'être dérobés à trois contrôles, ce qui ne serait pas le cas ici, et c'est l'UCI qui est la seule habilitée à prendre cette décision", constate Yann Le Moenner, directeur du compartiment média.


"UN RETARD POSTAL"

Michael Rasmussen a plaidé sa cause en invoquant "un retard postal" et en estimant que les autorités du sport lui en voulaient. Surnommé "Chicken" (poulet), le Danois s'est dressé, avant le Tour, sur ses ergots face à la charte de bonne conduite imposée par l'UCI, qu'il a été parmi les derniers à signer. "Les conditions qu'on nous impose sont déraisonnables, surtout si on les compare à ce qu'imposent d'autres fédérations ou le simple code du travail", a-t-il lancé.

Michael Rasmussen refuse de parler aux journalistes qui se sont étonnés de son choix de s'entraîner au Mexique, à l'abri des regards : "C'est tout simplement parce que ma femme est mexicaine", dit-il. Certains ont également voulu voir sa frêle carcasse dans la cohorte des "Men in Black" qui ont défrayé la chronique d'avant-Tour, ces coureurs qui s'entraînent dans des tenues sombres, pour passer inaperçus –notamment des contrôleurs, pensent les méfiants. "Je porte occasionnellement des tenues neutres parce que je me suis rendu compte que les automobilistes me suivent lorsqu'ils me reconnaissent", s'est-il justifié.

La décision de la fédération danoise intervient dans un contexte tendu. Bjarne Riis, vainqueur en 1996, a avoué avant le Tour qu'il s'était dopé à l'érythropoïétine (EPO). Deux des trois autres maillots jaunes de l'histoire du cyclisme danois avaient déjà été rattrapés par le dopage. Kim Andersen, leader du Tour en 1983, aujourd'hui directeur sportif de la CSC, fut suspendu à vie avant de voir sa peine réduite. Bo Hamburger, maillot jaune 1998, a été convaincu de dopage trois ans plus tard et exclu de l'équipe nationale danoise.

Au lieu d'encenser son coureur aux jambes de grive, la presse danoise avait la chair de poule depuis le départ de Londres. Un dessin paru dans le journal Politiken l'a montré sous la forme de son poulet totem voletant au-dessus des serres émoussées de Bjarne Riis, surnommé pour sa part "l'Aigle de Herning". Le quotidien titrait également ces jours-ci, sous la photo de son poussin jaune : "Peut-on lui faire confiance?" Le pays est tout aussi sceptique vis-à-vis des performances des cyclistes que l'Allemagne, marquée par la disgrâce de Jan Ullrich, le compère de Bjarne Riis dans les sombres années de la Telekom. Michael Rasmussen, en outre, ne bénéficie pas de la même aura que son ancien patron à la CSC. "Les Danois ne s'identifient pas à lui. Il vit en Italie, court pour une équipe hollandaise [Rabobank]. C'est un individualiste forcené", explique Stephanie Surrugue, de Politiken.

Son ascétisme l'isole encore. "Chiken" humecte ses céréales d'eau plutôt que de lait, exige une seule couche de peinture sur son vélo pour réduire son poids, ne transporte qu'un bidon d'eau pour ne pas se charger et va jusqu'à choisir les épingles à nourrice les plus minuscules du marché pour son dossard.

Il n'en a pas moins alourdi l'atmosphère déjà pesante de ce Tour. (un article Lemonde.fr)

Publié dans Dopage

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