Vu dans l'Equipe du 26 mai 2007 : Les aveux de Bjarne Riis

Publié le par Julien HOLTZ


Passionveloblog.com ne pouvait pas passer à coté de cette actu tonitruante dans le cyclisme. Stade 2 en parlera dimanche avec Christian Prudhomme et Jean René Godard. Voici un des articles parus dans la presse sur le sujet (L'Equipe du 26 mai 07) : les aveux de Bjarne Riis, "Monsieur 60%"

Bjarne Riis avait convoqué la presse, hier après-midi, au siège de son équipe CSC dans la banlieue de Copenhague. Lors d’une discussion de deux heures, l’ancien leader de Telekom a admis avoir, lui aussi, pris des produits dopants entre 1993 et 1998.

LYNGBY – (DAN)
de notre envoyé spécial

Finalement, il n’y aura pas eu de surprise. Depuis la décision de Bjarne Riis, jeudi après-midi, de convoquer la presse pour « s’expliquer » après les révélations en cascade sur les pratiques dopantes au sein de l’équipe TMobile des années 1990, le royaume du Danemark était persuadé que son champion allait à son tour passer aux aveux.

Hier matin, la presse à l’unisson affichait d’ailleurs sur toutes ses unes la face pincée de Riis, tantôt barrée d’un définitif « Dopé », tantôt d’un accrocheur « Il se confesse aujourd’hui », rappelant que cette déflagration à venir, pourtant exceptionnelle par sa teneur – c’est la première fois qu’un Maillot Jaune du Tour avoue s’être dopé –, n’a rien d’inattendu ici. Autour du siège de Riis Cycling, les journalistes qui commencent à affluer en début d’après-midi n’ont pourtant aucune certitude. « On ne voit pas ce qu’il peut annoncer d’autres, mais à la vérité, il n’y a eu aucune fuite », glisse l’un d’eux, rappelant que l’arrogance de celui qu’ils appellent « Monsieur 60%» – en référence à son taux hématocrite anormalement élevé – quand on évoque les questions de dopage lui vaut peu d’amitié dans la presse.

L’ambiance est encore calme dans ce quartier industriel de Lyngby, dans la banlieue lointaine de Copenhague. À 15 h 15, un taxi noir contourne la meute.Àl’intérieur, Riis, visage fermé, accompagné de Henrik Schlüter, président de Riis Cycling, et Brian Nygaard, l’attaché de presse. Direction l’arrière du bâtiment pour une entrée en toute discrétion. À 16 h 15, les médias sont autorisés à pénétrer dans l’enceinte. Une soixantaine de journalistes, essentiellement du cru, se pressent dans une salle exiguë.

À 16 h 30 précises, dans un silence à couper au couteau, Riis apparaît, veste noire et traits tirés, et s’installe aux côtés de Nygaard. Ce dernier prend la parole, hésitant : « Je m’excuse mais cette conférence de presse se déroulera en danois. Les journalistes étrangers pourront poser quelques questions après. » Un coup d’oeil à sa droite et Riis prend le relais. « Bienvenue à tous. Je tiens à préciser que je parle ici enmonnom, commence-t-il en lisantune feuille. Les derniers événements qui se sont déroulés en Allemagne ces derniers jours ont ramené à la surface des choses qui appartenaient au passé et que j’avais laissées derrière moi.Commetout le monde, j’ai fait des choses dont je ne suis pas fier. »

Long silence. Puis, il détache ses yeux du papier et en vient à ce que tout le mondeattend, dansune chaleur étouffante. « Je me suis dopé. J’ai pris de l’EPO. À l’époque, ça faisait partie de ma vie de tous les jours. » Sa voix se fait chevrotante, ses yeux brillants. « Je suis désolé, j’ai menti. Je voudrais m’excuser surtout auprès des gens qui m’ont fait confiance. » Nouveau long silence. Puis il explique les conditions dans lesquelles il a découvert les pratiques occultes du peloton. « Jeff (son soigneur) a été le premier à vouloir m’initier au dopage mais j’avais alors refusé. J’ai appris ailleurs. »

Mais il ne citera aucun nom, sauf celui du sulfureux Cecchini, mais pour le dédouaner : « Il ne m’a jamais rien donné. Au contraire, il m’a toujours dit de bien prendre soin de moi. À l’époque, il était très facile de se procurer de l’EPO, je pouvais en acheter au drugstore si je voulais. » Comme Zabel jeudi, il explique comment il a raconté son terrible secret à ses proches. « J’en ai parlé hier à mes deux grands fils. Ils ont compris, toute la famille me soutient. » Le grand blond replie ses feuilles, son speech est terminé. Débute alors une séance de questions-réponses interminable. Sur quelle période s’est-il dopé ? « Entre 1993 et 1998. » Quels produits a-t-il pris ? « EPO, cortisone et hormone de croissance. » Pense-t-il que Jan Ullrich a participé à ce dopage généralisé ? « Jan parlera pour lui, c’est mieux comme cela. »

Son ton devient plus cassant, les échanges deviennent tendus. Pourquoi avoir pris de l’EPO ? « Pour aller plus vite. » Ce secret vous a dérangé pendant ces onze années de silence ? « Non. » Quelles conclusions avezvous tirées de l’usage de l’EPO ? « Vous pouvez prendre autant de produits que vous voulez, si vous n’avez aucun talent vous ne gagnez rien. Je crois que j’avais un certain talent… » Regards éberlués dans l’assistance.On lui demande s’il pense mériter sa victoire sur le Tour 1996. « Probablement pas, répond-il. Mon Maillot Jaune est dans un carton dans mon garage et vous pouvez venir le chercher. Ce n’est qu’un maillot, il ne veut rien dire pour moi, d’ailleurs je ne rentre plus dedans. »

Reste une question : pourquoi a-t-il décidé de parler ? Avait-il la pression après les révélations de tous les coureurs de T-Mobile qui lui ont porté les bidons lors de son Tour 1996 victorieux ? « Rien à voir. J’avais pris la décision de parler il y a quelques jours. Si je parle aujourd’hui, c’est pour mon équipe, assure-t-il en jetant un oeil au poster de la formation CSC épinglé derrière lui. Il y avait beaucoup de rumeurs, qui me coûtaient du temps et de l’énergie, alors que mon équipe a besoin de moi. Je fais ça parce que je veux que ce sport ait un avenir, que mes coureurs soient fiers de ce qu’ils font. »

Quand on lui parlera de Hamilton et de Basso, avant de quitter la salle les mâchoires toujours serrées, il observera : « On ne pourra jamais empêcher des cas isolés. Chez CSC, notre système de prévention interne ne peut être meilleur. On ne peut pas changer le passé, mais on peut changer le futur. »

L'Equipe | JOSÉ BARROSO

Publié dans Dopage

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article